Ces dernières semaines, les prises de position et les rencontres de François Bayrou ont pu susciter l’interrogation de certains, voire la surprise d’autres.
En matière de communication politique il faut toujours prendre soin de ne pas tirer de conclusion hâtive et de ne pas s’arrêter aux premières impressions.
Il convient de prendre un peu de recul, de replacer les événements dans leur contexte et de faire une analyse stratégique.
Troisième Homme lors du premier tour de l’élection présidentielle de 2007, François Bayrou décide dans l’entre-deux tour de ne soutenir aucun des deux candidats finalistes et en particulier Nicolas Sarkozy, candidat de la droite pourtant alliée historique de l’UDF.
Par cette décision, François Bayrou va au bout de sa démarche engagée quelques années plus tôt : l’indépendance du centre ! Pour porter ce projet d’une troisième voie, ni de droite, ni de gauche, il crée le Mouvement Démocrate (MoDem).
Ce choix n’est pas celui de la facilité car il s’attaque au système bipolaire de la politique française. Cette action frontale condamne à une inévitable et éprouvante traversée du désert. C’est dans un premier temps le départ de beaucoup d’élus importants et proches de François Bayrou, puis le bannissement de l’espace médiatique avant de connaitre une érosion de ses militants.
Parallèlement, le contexte politique depuis trois ans n’a pas simplifié le positionnement du MoDem et l’idée de la troisième voie. Avec un Président de la République qui, par sa gouvernance et ses réformes (bouclier fiscal, suppression des juges d’instruction, politique éducative, nomination du Président de France télévision, retour dans le gouvernement intégré de l’OTAN…), vous pousse chaque jour à vous écarter de lui, et une gauche sans leadership qui incite à tenter un rapprochement, l’image du MoDem s’est ternie. La direction du parti a également plusieurs erreurs à son actif, tant en terme de gestion interne que de communication externe.
Résultat de tout cela : des élections Européennes et Régionales ratées et un positionnement politique qui se brouille comme un mirage en plein désert, quand on perd sa lucidité et que l’on est tenté par les oasis éphémères.
Si le bilan de l’aventure du Mouvement Démocrate ne pourra être tiré qu’à l’échéance des présidentielles 2012 (but ultime annoncé dès 2007 car la vie politique française est rythmée par cette élection), il convient de faire deux premiers constats de cette démarche novatrice sur l’échiquier politique français :
- Le Mouvement Démocrate a gagné son indépendance (ce qui n’implique pas l’isolement) et le prix payé fut élevé.
- Le Mouvement Démocrate n’a pas réussi à imposer une troisième voie dans le paysage politique suite aux présidentielles de 2007. Les français n’ont pas souhaité sortir de la bipolarisation lors des Européennes et des Régionales.
Si je continue de penser que la sortie du clivage droite/gauche est la seule solution d’avenir pour la gouvernance de notre pays, il semble que cela n’a pas encore fait son chemin auprès du plus grand nombre. C’est peut-être une question de temps mais aussi de méthode.
L’option solitaire du MoDem lors des trois dernières années a échoué, et cela pousse à l’isolement voire à la disparition.
Face à ce constat, il faut, plus que jamais, entretenir des échanges avec tous les partis républicains afin de rendre possible d’éventuelles alliances de gouvernance le jour venu. Faire alliance n’est en rien un échec ou un renoncement, c’est même assez normal quand on aspire à gouverner. L’idée d’un parti suffisamment puissant pour gouverner seul me semble plutôt dangereux et peu démocratique.
Ce qui compte, ce sont les conditions de l’alliance : celle-ci ne doit pas être perpétuelle et acquise par avance (comme ce fut le cas entre RPR/UMP et l’UDF) sinon ce n’est qu’un leurre pour se partager les postes et ne permet aucune négociation programmatique. Une alliance doit se réaliser pour une mandature donnée et suite à un accord de compromis sur le programme qui respecte les valeurs et l’identité de toutes les parties prenantes.
Ce sera tout l’enjeu des présidentielles de 2012 où une alliance de gouvernement devra se constituer autour du futur Président de la République.
François Bayrou après avoir entretenu des relations avec des personnalités de gauche, ne ferme pas la porte à celles de droite, même à Nicolas Sarkozy qui dans le contexte de la réforme des retraites est moins éloigné du MoDem que précédemment (le PS sous-estimant ce problème et s’enfermant dans des solutions idéologiques irréalistes). Le Mouvement Démocrate reste dans l’opposition par rapport au gouvernement actuel, mais de façon constructive, et non pas de façon sectaire ni systématique.
En 2012, François Bayrou sera candidat à la Présidence de la République. Le dynamisme qu’il créera autour de son programme et le vote des français influenceront les choix de gouvernance qu’il devra opérer avec pragmatisme pour faire avancer ses valeurs et son projet de Société, mais avec le poids et la force de son indépendance conquise à nos cotés durant cette traversée du désert.
Adrien Debever
Une réflexion sur « Indépendance et pragmatisme »