C’est ce sentiment baudelairien qui se rapproche le plus de mon humeur actuelle. La campagne européenne s’est terminée sur une note bien triste pour tous ceux qui croient dans le projet de Société porté par le Mouvement Démocrate.
Le terme « campagne » est, d’ailleurs, excessif car de campagne, il n’y en eût point. Tout s’est presque résumé à une émission politique (proche du pugilat médiatique !) et à un film documentaire sur la Terre en péril (généreusement offert par un grand ami de notre Président)…
Résultat : une seule grande gagnante, l’abstention, et des perdants : la démocratie et l’Europe.
D’un point de vue plus politique, on constate un succès stratégique de l’UMP. Ainsi, en refusant de faire campagne, en mobilisant uniquement leur base électorale, en jouant habilement sur l’éclatement de l’opposition et enfin, en communiquant largement sur la victoire, le parti de la majorité présidentielle réalise un joli tour de passe-passe.
En effet, si on analyse ces résultats avec un peu de recul, l’union présidentielle (UMP, NC et autres) ne mobilise que 4 millions d’électeurs contre 11 millions pour le candidat Sarkozy au premier tour en 2007. Par ailleurs, le camp de la majorité a épuisé ses réserves puisque les autres listes n’étaient pas des soutiens à la majorité. L’apparente « belle » première place avec 28% (de 40% de français ayant voté, soit en réalité seulement 11% du peuple français) devient donc rapidement source d’inquiétude en vue de scrutins à deux tours (dès mars 2010 avec les régionales).
Néanmoins, mis à part le cas français, une réalité en Europe vient d’émerger, c’est la domination des droites. Et c’est là un paradoxe assez inexplicable, car nous vivons une crise mondiale qui remet en cause structurellement le système ultra-libéral. Or, ce sont les partis qui portent ce modèle économique qui viennent d’être ainsi plébiscités !
Aussi, par leur vote, les européens vont sans doute permettre de reconduire à la tête de la commission européenne José Manuel Barroso, ultra-libéral convaincu et grand absent au plus fort de la crise cet automne. Il y a là une bizarrerie qu’il faudra élucider…
Autre succès politique de dimanche, c’est évidemment » Europe écologie ». Attelage a priori improbable au départ entre trois personnalités (Daniel Cohn-Bendit, José Bové et Eva Joly) aux antipodes l’une de l’autre, en particulier au niveau des idées européennes. Finalement en l’absence de vrai projet européen fédérateur, c’est l’écologie qui a fait figure d’effet de mode et de dynamique sympa, bien aidée par la programmation plus que contestable et douteuse de « Home » (documentaire faisant la promotion de l’écologie et financé par M. Pinault), 48h avant le vote.
Maintenant, une fois posés ces remarques, regrets et interrogations sur le contexte de cette élection, il n’en demeure pas moins que le faible score (8,5%) du MoDem nécessite une réelle autocritique.
La stratégie qui a consisté à vouloir faire un débat sur le plan national puis à l’extrapoler au niveau européen n’a pas fonctionné, sans doute trop compliquée pour l’électorat…
François Bayrou a porté à bout de bras la campagne et il est tombé dans le piège tendu lors de ce simulacre de débat politique de mercredi dernier. Sans doute aurait-il été souhaitable de s’appuyer davantage sur les têtes de liste et par exemple d’envoyer JF Kahn lors de ce débat, étant lui-même un grand habitué de ce genre de show (avec moins de risque en cas d’échec).
Il faut également reconnaître notre défaillance à porter un projet européen clair, à poser de façon audible le débat sur le projet de Société pour l’Europe. Le contexte était certes très compliqué mais nous aurions du faire mieux.
Enfin, le MoDem a peut être failli par excès de confiance, péché commun à la jeunesse. Un Sarkozy impopulaire et un PS en déconfiture n’exonèrent pas du travail de fond et de celui de terrain. En Gironde, avec les Jeunes Démocrates, nous avons sillonné le département en menant une quinzaine d’opérations de terrain au cours desquelles, bien souvent, nous n’avons pas senti une grande mobilisation des uns et des autres (surtout en comparaison des municipales)…
Cet échec doit maintenant servir d’expérience afin de construire les succès futurs. Nous avons de nombreux atouts et les français sont intéressés par le choix du projet de Société comme le montre bien le succès « d’Abus de pouvoir « . Mais il faut maintenant que nous construisions au sein du MoDem un programme très concret et très clair en vue des prochaines élections régionales. Il faut donner toute sa place à notre conception du développement durable, pour lequel nous avons de nombreuses compétences en interne (les Jeunes Démocrates 33 avaient d’ailleurs fait de la promotion d’une Société durable l’axe de leurs « envies d’Europe », livret programme pour ces européennes).
L’échec de dimanche est un avertissement qui peut être salvateur si nous savons en tirer les enseignements. Plus que jamais notre projet et notre positionnement est un acte de résistance qui ne peut être sans effort. François Bayrou reste notre meilleur leader mais il lui faut encore apprendre de ses erreurs et se remettre avec courage à l’ouvrage, c’est le passage obligé de tout grand homme d’Etat…
Retrouvez d’autres réactions sur la toile: Pierre, Christelle, Fabien.
Je partage ton analyse et j’ajoute que l’excellent score du front de gauche est le fruit d’un très gros travail de terrain. Au final c’est le seul parti avec lequel nous pouvons nous comparer tant nos scores sont proches et que nous sommes loin des autres…Il faut reconnaître qu’ils partaient avec un vrai déficit de notoriété et qu’au final ils nous talonnent. Chacun d’entre nous doit être conscient que la politique se mène sur des idées mais aussi et surtout sur le terrain. Je crois que nous avons soufferts d’un excès de confiance qui a bloqué notre mouvement dans l’inertie. Cet avertissement doit nous permettre de revoir notre copie tant au sommet du MoDem qu’à sa base.
Je partage moi aussi vos analyses mais je ne suis pas d’accord sur le front de gauche. Cette médiatisation de ce rassemblement d’une partie de la gauche, n’a permis qu’une seule chose: sauver quelques meubles du PC et la réelection de JL Mélenchon avec un score quasiment stable.
Maintenant assistons au continuel déchirement de cette gauche entre les Verts, les extrèmes et les autres… Et existons par nous même!!!
Très bonne analyse. Je ne rentrerai pas dans la polémique de la stratégie qui sera débattue par la suite.
Néanmoins, ce qui me désole, ce sont les critiques trop faciles sur le fait que nous n’avions pas un programme assez européen !
Sur le terrain, nous l’avions. Qu’il n’ait pas été relayé par les médias c’est un fait.
Ce qui est sûr, c’est qu’il y a eu un avant et un après jeudi (noir ?) dans l’accueil que nous avons eu sur le terrain.
Et que « Europe Ecologie » ait bénéficié de la mansuétude de l’UMP ne fait également aucun doute. Ceux qui ont assisté au débat entre jeunes qui s’est tenu à Bordeaux ne me contrediront pas.
Bonne analyse d’Adrien.
Je crois qu’on a été victimes d’une assez jolie manipulation et que, malheureusement,on l’a subie naïvement. Passer en quelques jours de 15% à 8,5% c’est quand même un peu bizarre !
Le MoDem fait peur au pouvoir : parce qu’il y a Bayrou, et parce que c’est un parti potentiellement très rassembleur et novateur (contrairement au PS). Il fallait donc l’abattre.
Alors que dans les jours précédents on entendait l’éloge du livre « Abus de pouvoir », tout s’est retourné à grande vitesse et on n’entendait plus que : « antisarkozysme primaire », »le Modem n’a pas de programme européen » voire « ils n’ont rien à dire ». Nos candidats avaient beau parler d’Europe et dire des choses très précises, c’est comme s’ils pissaient dans un violon.
N’oublions pas que, dans la campagne « de terrain », on rencontre surtout les adhérents et sympathisants proches. Si les médias de grande diffusion ne relaient pas cette campagne, on n’a qu’une maigre chance. Si en plus ils font de la désinformation, on l’a dans le baba.
Est arrivé ce que j’appelle « le Jeudi noir » : le traquenard tendu à Bayrou, qui arrive là tout « auréolé » (si je puis dire) de son image « d’obsédé de la présidentielle » et de « psychopathe de l’antisarkozysme » et qui est tout de suite agressé là-dessus par DCB (qui semblait avoir bien préparé son coup : c’était tout sauf improvisé !) sur le ton insupportable qu’on connaît.
Les réactions de François ont été on ne peut plus catastrophiques. On a sûrement perdu ce soir-là 2 à 3 points.
Je suis allé juste après sur la Toile : les chiens de garde de l’UMP semblaient avoir déjà préparé leurs interventions. C’était une déferlante d’injures, de cris de haine, et d’annonces triomphantes de « la mort de Bayrou ». Avec bien sûr les manipulations les plus grossières, dignes de la propagande de Goebbels…Je vous livre la meilleure : se faire passer pour un électeur socialiste tenté par le vote « Bayrou » et qui, devant tant « d’infâmie », était maintenant convaincu de voter…Sarkozy !
J’ai tracté, aux lendemains de cette émission, dans mon quartier des plus tranquille et civilisé (Saint Seurin,Camille Jullian). Une dame très BCBG a quand même couru après ma femme pour lui rendre le tract en l’abreuvant d’injures sur Bayrou à cause de cette émission !
François a donc une sacrée pente à remonter. Et attendons-nous à ce qu’en 2012 cette vidéo de l’émission soit ressortie. François a 3 ans pour la rendre inoffensive. Il ne faut plus faire une seule connerie. L’ennemi est encore pire que ce qu’il analyse dans « Abus de pouvoir » !
Quant au MoDem, il nous faut préparer les régionales dès maintenant, de façon sérieuse et innovante, en rompant avec toutes les routines politiciennes…et ce qui va avec.
C’est clair que nous nous attaquons à un système qui fonctionne depuis des décennies et qu’il ne compte pas se laisser faire…ses moyens sont considérables.
Ce qui est vraiment consternant c’est le poids du média télévisuel et la faible autocritique qu’exercent les gens vis-à-vis de lui.
Je crois, Paul, que c’est un de nos combats du quotidien, aider à la prise de conscience et développer l’esprit critique de la population.
Bonsoir Adrien,
Tu sais qu’il y a des personnes dont on perçoit naturellement la capacité d’analyse dès les premiers mots d’une discussion, même si ces discussions sont peu fréquentes. Et cela t’étonneras peut-être mais de la même manière que j’ai à chaque fois ce sentiment avec Roméo Lucibello, je l’ai aussi avec toi, ce que ce bel article confirme.
Après avoir lu et entendu de nombreux bilans et critiques de ces bilans, je me suis même vu le besoin d’écrire un guide de la critique sur mon blog…
Je n’avais pas porté attention à la différence magistrale de votants UMP entre ces élections et le premier tour des dernières Présidentielles. Et ce constat me fait arriver aux mêmes conclusions.
Il n’y a que deux points que je me permettrai d’ajouter à ce bilan.
Le premier concerne la réussite des partis du PPE. Cette réussite est improbable si on l’analyse par la raison mais logique si on l’analyse par « l’habitude » : en situation de crise, la tendance a souvent été de se réfugier à droite… La droite a toujours réussi le tour de force incroyable de donner un sentiment de sécurité aux citoyens européens. La réussite de Berlusconi en est sûrement l’exemple le plus frappant. A cela j’ajouterai quelque chose qui conforte ces propos, en France : le report d’une partie de la droite extrémiste sur l’UMP…
Le second concerne le succès d’Abus de Pouvoir : c’est justement une réussite qui a masqué nos efforts pourtant probant pour faire entendre notre projet européen. Alors que nos efforts sur le terrain ont été plutôt parmi les plus élevés si l’on se compare à la présence des différents partis que nous avons croisé.
Merci Ivan pour tes commentaires.
Je pense en effet que tu as raison sur le réflexe sécuritaire que constitue le vote de droite et cela malgré l’aspect économique.
C’est un éléments sur lequel il faudra travailler au MoDem: montrer que le vote orange est aussi rassurant et que la droite offre une image de sécurité mais en même temps est responsable du problème, le principe du pompier pyromane !
Bonjour, j’avoue avoir lu un peu en diagonale mais il me semble que le résultat qu’on a vu est somme toute logique.
L’économie « de droite » se casse la figure ? Oui, mais cela touche marginalement certains de ses électeurs (retraités, bon revenus) et surtout, l’alternative « de gauche » n’est pas crédible au vu de l’histoire.
Nous restons les enfants du rideau de fer. C’est triste, mais cela se voit.
Dans ce contexte, l’écologie semble donner un repère différent. J’avoue, je suis très sceptique. J’ai l’aventure d’être à la fois très attaché à l’environnement ET un modeste économiste.
Le modèle économique que même mes amis écologistes proposent est très contradictoire. Et il est fondé sur le même corpus de modèles « néolibéraux » et « dirigistes », juste adaptés aux « externalités ». C’est court et cela crée une proposition confuse.
Je crois que, si on veut être utiles, une vraie remise en cause des modèles et des théories économiques sur le tapis est nécessaire.