Bien curieuse et sidérante affaire judiciaire dont le procès a débuté lundi à Paris. Déjà, lors de sa révélation au grand public (en 2005), cette histoire avait étonné voir dégoûté beaucoup d’entre nous tant cela illustre une fois de plus une politique faite de magouilles, de barbouzeries et de compromissions avec les milieux d’affaires.
Pour tenter de résumer, c’est un problème de dénonciation calomnieuse qui touche une quarantaine de personnes dont un certain Nicolas Sarkozy.
L’origine de l’affaire prend sa source dans une autre affaire encore plus explosive mais gardée sous la chape de plomb du « secret défense » : l’affaire des frégates de Taiwan. En effet, le futur « corbeau » de l’affaire Clearstream, Jean-Louis Gergorin, n°2 d’EADS du groupe Lagardaire, diligente une enquête privée suite à la mort brutale de Jean-Luc Lagardère qu’il croit criminelle et liée à la guerre économique menée pour la vente des frégates. C’est à cette occasion qu’il tombe sur des listings de la banque luxembourgeoise Clearstream, spécialisée dans le « nettoyage financier ».
Commence alors l’affaire dite « Clearstream », qui verra ces listings trafiqués avec des noms célèbres rajoutés et des enquêtes menées en parallèle de la justice par des ministres au premier rang desquels Dominique de Villepin. Le tout sur fond de rivalités politiques et de guerre d’héritage au gouvernement en vue des présidentielles de 2007.
Tout cela est bien loin de l’intérêt général et de la mission d’un homme politique. Maintenant les deux grandes questions de ce procès sont :
- Dominique de Villepin s’est-il juste contenté de demander une enquête ou a-t-il joué un rôle de commanditaire dans la modification des listings ?
- Nicolas Sarkozy a-t-il eu connaissance très tôt de cette « manipulation » et l’a-t-il gardée en réserve pour l’instrumentaliser contre son rival potentiel à l’Elysée, ou bien est-il juste une victime d’une tentative de discréditation ?
Au-delà des questions auxquelles la justice devra répondre, ce procès est sans précédant car l’une des partie civile n’est autre que le Président de la République, celui qui est garant de la séparation des pouvoirs et qui préside l’autorité supérieure de tous les juges, dont ceux qui vont diriger ce procès.
Voilà là une véritable situation de non respect des principes de bases de notre République, mais dont Nicolas Sarkozy est malheureusement coutumier depuis 2 ans !
Enfin, demeure la question sous-jacente au décryptage de cette affaire : que cherche Sarkozy à travers cette affaire Clearstream ?
Est-elle, pour lui, un règlement de compte personnel avec Dominique de Villepin (auquel cas M.Sarkozy manque cruellement de hauteur : étant le vainqueur des élections de 2007, le combat est fini !) ou bien cherche-t-il à décapiter définitivement la seule personne qui, à l’UMP, se dresse encore ouvertement contre sa toute puissance ? Dans cette deuxième hypothèse, c’est une façon d’en finir définitivement avec les héritiers de la « Chiraquie » et peut-être plus généralement avec l’héritage Gaulliste dont sa nouvelle droite bafoue régulièrement les valeurs.
Ce procès apportera peut-être quelques éléments de réponses à toutes ces questions mais Nicolas Sarkozy prend sans doute des risques en voulant rester ainsi au cœur d’une affaire si peu reluisante.
Car, plus que jamais, nous assistons, dans cette affaire, à la mise en lumière des compromissions auxquelles s’adonnent nos soit-disantes élites des pouvoirs politique, financier et économique…
Adrien Debever